Avec une Assemblée sans majorité claire à l'issue des législatives, l'adoption du projet de loi de finances pour 2025 promet d'être complexe. Le point sur les options qui s'offrent au prochain gouvernement pour faire passer malgré tout ce texte crucial. 

Où en sont les travaux ?

Lettre de cadrage de Matignon, réunions techniques entre ministères : avant le coup de frein lié à la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin, le gouvernement de Gabriel Attal avait déjà largement entamé les travaux budgétaires pour 2025.

Certains ministres (Sports, Fonction publique) aux budgets modestes avaient même déjà été reçus par leur homologue délégué aux Comptes publics, Thomas Cazenave, pour de premiers arbitrages.

Traditionnellement, les dépenses maximales accordées à chaque ministre pour l'année suivante sont dévoilées à partir de la mi-juillet. Une échéance rendue compliquée par le contexte politique, même si la direction du budget n'exclut pas de tenir le calendrier. Pour ce faire, elle planche sur plusieurs versions de budget simultanément : une version qui épouse les priorités du gouvernement sortant et une version « technique », qui se contenterait de reconduire les crédits votés en 2024.

« C'est ma responsabilité de ministre des Finances de garantir la continuité de l'État, et de préparer pour début août au plus tard un budget », assurait jeudi Bruno Le Maire, dans une tribune dans le Figaro.

Selon la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), le projet de budget doit être déposé au Parlement « au plus tard le premier mardi d'octobre ».

Pour la constitutionnaliste Anne Levade cependant, « la pratique est un peu joueuse », les gouvernements ayant souvent présenté une première version sommaire du budget fin septembre pour respecter les délais, avant de le compléter considérablement par voie d'amendements.

Quels sont les délais ?

Le projet de loi de finances doit être promulgué avant le 31 décembre 2024 pour qu'il puisse entrer en application dès le 1er janvier 2025.

Une fois que l'Assemblée est saisie du projet de loi de finances par le gouvernement, elle dispose de quarante jours pour l'examiner et se prononcer en première lecture, en votant pour ou contre. Le texte est ensuite envoyé au Sénat, qui n'a que 20 jours pour se prononcer.

Selon la Lolf, si aucune des deux chambres du Parlement n'a pu se prononcer par un vote sur le projet de budget « dans le délai de soixante-dix jours après le dépôt du projet, les dispositions de ce dernier peuvent être mises en vigueur par ordonnance ».

Cette situation ne s'est jamais produite sous la Ve République, les gouvernements successifs ayant toujours pu compter soit sur une majorité absolue, soit sur l'incapacité des oppositions à voter une motion de censure après l'adoption sans vote du budget grâce à l'article 49.3 de la Constitution. Mais l'option du 49.3 apparaît très risquée si le prochain gouvernement ne peut pas compter sur une majorité stable à la chambre basse.

Doté d'une majorité relative, le gouvernement sortant n'avait dû sa survie qu'au refus d'une partie de l'opposition (Les Républicains) de voter les multiples motions de censure.

Quid en cas d'échec ?

Si le Parlement a pu se prononcer au moins une fois sur le projet de loi de finances, mais que le gouvernement n'a pas réussi à le faire adopter avant le 31 décembre, ce dernier peut demander en urgence l'autorisation de percevoir les impôts.

Mais il doit pour cela obtenir un feu vert... du Parlement, forcément incertain en l'absence de majorité absolue. L'hypothèse d'un rejet de cette demande d'autorisation n'est pas envisagée par les textes, mais le cas échéant « on aurait évidemment une crise politique », juge Anne Levade.

« Ce n'est dans l'intérêt de personne d'aller au clash, au blocage et à l'arrêt de l´État »

Pour le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier, « ce n'est dans l'intérêt de personne d'aller au clash, au blocage et à l'arrêt de l´État ».

Anne Levade estime aussi qu'en matière de stratégie politique, « ce n'est pas un signe de grande aptitude à gouverner un pays que de débuter par une année budgétaire cacophonique ».

La constitutionnaliste rappelle deux précédents dans l'histoire de la Ve République. En 1963, le budget n'avait été définitivement adopté que le 23 février, forçant le gouvernement de Georges Pompidou à légiférer par « décrets d'avance » pendant près de deux mois. En 1980, le gouvernement de Raymond Barre avait lui aussi dû recourir à une forme de loi spéciale jusqu'au 18 janvier, date de l'adoption définitive du budget.