L'Etat envisage d'utiliser l'argent du Livret A pour financer le renouvellement du parc nucléaire français, chiffré à plus de 50 milliards d'euros, au nom de l'intérêt général. Si la piste est plausible, la question divise les épargnants, selon notre sondage exclusif.

L'argent du Livret A (donc votre argent) mobilisé pour financer le renouvellement du parc nucléaire français (1) ? La piste, dévoilée la semaine passée par Les Echos, est réelle, mais encore très hypothétique. Elle est loin, toutefois, d'être fantaisiste.

Le produit d'épargne réglementée présente, en effet, de nombreux avantages pour un tel projet. « La ressource est abondante et stable », détaille Les Echos, « [et] la CDC [Caisse des dépôts, bras financier de l'Etat, NDLR] habituée à prêter à très long terme à un taux d'intérêt défini chaque année par le ministre des Finances, en accord avec la Banque de France. »

EXCLUSIF. Le financement du nucléaire avec l'argent du Livret A divise les Français

Un tiers seulement de l'argent du Livret A pour les HLM

Cette piste, cependant, suscite de l'étonnement, voire l'inquiétude, chez certains épargnants. Chez ceux , notamment, qui pensaient que les sommes déposées sur leur Livret A ne servaient qu'à une chose : financer la construction de HLM. C'est le cas de 40% des détenteurs de Livrets A, selon le sondage exclusif réalisé en partenariat avec YouGov France (2).

C'est pourtant déjà loin d'être le cas. Fin 2021 (derniers chiffres disponibles), un tiers seulement de l'encours du Livret A, du LDDS et du LEP finançait des prêts en faveur du logement social. Le reste de l'argent ? Il était conservé par les banques chargées de la collecte (40% environ), placé sur les marchés (20% environ) ou, plus rarement (4%), utilisé pour d'autres types de prêts.

modèle économique du Fonds d'épargne
Source : rapport annuel 2021 du Fonds d'épargne

Livret A : à quoi sert vraiment mon argent ?

L'intérêt général comme critère

Une part, minoritaire, mais croissante, de l'encours du Livret A sert, en effet, déjà à financer autre chose que le logement social ou la politique de la ville. L'éventail des usages est large, à partir du moment où ils sont désignés comme prioritaires par l'Etat, car considérés comme d'intérêt général.

Fin 2021, près de 22 milliards d'euros, sur les 508 milliards (à l'époque) placés par les Français, avaient, par exemple, été confiés à des collectivités locales, afin de financer des projets dans 3 secteurs clés : l'éducation, la mobilité et l'eau. Via ces collectivités, l'argent du Livret A sert à la rénovation énergétique d'écoles, à la mise en place de nouveaux modes de transport ou encore au développement de projets d'eau potable.

Livret A : ces nouveaux usages étonnants de votre argent

Point commun ? Ces investissement ont une forte coloration « verte », un tendance de fond pour les nouveaux usages de l'encours centralisé du Livret A. « On n'a sans doute pas vu le bout de cette extension des usages de l'argent du Livret A, qui s'est accéléré depuis la crise financière de 2008 », expliquait en juillet dernier l'économiste Cyril Blesson. « Il pourrait, notamment, être mobilisé de plus en plus activement pour financer le développement durable et la transition énergétique ». C'est le souhait, selon notre sondage, de 65% des détenteurs de Livret A.

Le renouvellement du parc nucléaire doit-il être considéré comme un projet servant l'intérêt général et la transition énergétique ? Si l'Etat choisit de retenir la piste du Livret A pour financer ses EPR, cette question sera certainement au cœur des débats. Les Français, en tout cas, sont partagés : selon notre sondage, 45% seraient favorables à l'usage de leur épargne pour payer des centrales nucléaires, 37% y seraient opposés.

(1) Emmanuel Macron a dévoilé, il y a un an, une feuille de route pour la construction de six réacteurs de nouvelle génération EPR2, avec une option pour huit supplémentaires. Le coût de construction de six EPR2 est estimé aujourd'hui à plus de 50 milliards, hors coût du financement. (2) Etude réalisée en ligne par YouGov, les 14 et 15 février, auprès d'un échantillon de 1 050 personnes représentatives de la population française de 18 ans et plus.