À partir de 2026, les salariés auront accès à plus d'informations sur la rémunération dans leur entreprise. Idem pour les candidats, qui pourront connaître une fourchette de salaires de leur futur poste.

C'est une mesure connue depuis plus d'un an. D'ici le 7 juin 2026, la directive européenne sur la transparence des rémunérations devra être transposée dans le droit français. Les entreprises auront encore au moins un an supplémentaire pour se mettre en conformité.

Les objectifs sont clairs : permettre de lutter contre les discriminations en matière de salaires et contribuer à réduire l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes. En 2022, cette différence était de 12,7%, en moyenne, dans les pays de l'Union européenne. Avec également pour conséquence un fossé en matière de pension de retraite. Une femme touche 30% de moins qu'un homme, selon les derniers chiffres de 2018.

Quelle transparence pour les candidats et salariés ?

La directive prévoit un meilleur accès à l'information, dès le recrutement. Les employeurs auront l'obligation d'informer les candidats du salaire de départ ou d'une fourchette de rémunération des postes publiés, que ce soit dans l'annonce ou avant le premier entretien. Les employeurs ne pourront également pas demander aux candidats l'historique de leurs rémunérations.

Salaire : mauvaise nouvelle, les augmentations seront plus faibles en 2025

« Les chercheurs d'emploi réclament la transparence des salaires », déclarait Matthieu Eloy, directeur général d'Indeed France, en septembre 2023. « Les entreprises qui répondent à cette demande bénéficient d'un plus large vivier de talents, en plus d'améliorer le processus de recrutement. » En clair, les offres d'emploi transparentes en termes de salaire « attirent davantage de candidats et candidates ».

Les salariés déjà en poste auront, eux, le droit de demander à leur employeur plusieurs renseignements. D'abord des informations « sur les niveaux moyens de rémunération, ventilés par sexe, pour les catégories de travailleurs accomplissant le même travail ou un travail de même valeur », précise le Conseil de l'Union européenne sur son site internet. Mais aussi des informations « sur les critères utilisés pour déterminer la progression de la rémunération et de la carrière, qui doivent être objectifs et non sexistes ».

Deux tiers des salariés prêts à demander le salaire de leurs collègues

Cette transparence « représente une opportunité pour les entreprises de renforcer la confiance et l'équité au sein de leurs équipes », avance Stéphanie Lecerf, directrice des ressources humaines de PageGroup France, dans un communiqué. « En adaptant leurs pratiques de rémunération et en communiquant de manière transparente, elles vont améliorer l'engagement de leurs collaborateurs. »

Selon une étude de cette entreprise de recrutement, plus des deux tiers des salariés sont prêts à demander le salaire médian de leurs collègues. Et un sur deux estime qu'il existe un écart de rémunération entre les femmes et les hommes à poste équivalent dans leur entreprise.

Pourquoi parler salaires au bureau est de moins en moins tabou

Et du côté des employeurs ?

Les entreprises de plus de 250 salariés seront tenues de communiquer, tous les ans, l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes, auprès de l'autorité nationale compétente. Cette obligation s'appliquera tous les trois ans pour les organisations de moins de 250 salariés. Les entreprises de moins de 100 salariés ne seront pas tenues de le faire.

« Si le rapport révèle un écart de rémunération supérieur à 5%, qui ne peut être justifié par des critères objectifs et non sexistes, les entreprises seront tenues de prendre des mesures sous la forme d'une évaluation conjointe des rémunérations réalisée en coopération avec les représentants des travailleurs », prévient le Conseil de l'Union européenne.

Plus de trois employeurs sur dix ne communiquent pas de façon transparente sur leur politique salariale, d'après l'étude de PageGroup. Et un tiers d'entre eux n'ont déployé aucune action corrective pour réduire l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes.

Salaire : où faut-il habiter pour espérer être le mieux payé ?

Certaines entreprises ont déjà pris les devants

Si une entreprise sur deux n'a pas connaissance ou une mauvaise connaissance de la future directive européenne, certains employeurs ont déjà pris les devants depuis longtemps. Comme Lucca, une entreprise de 600 salariés spécialisée dans les logiciels RH et finance.

« La transparence fait partie de notre ADN depuis la création de l'entreprise, il y a vingt et un ans », explique Charles de Fréminville, directeur général, auprès du Monde. Sur l'Intranet de l'entreprise, tous les salaires y sont : du stagiaire jusqu'au PDG. Selon lui, ce système a trois vertus. « C'est plus simple, car gérer des droits d'accès différenciés à l'intranet est une opération complexe ; plus sain, car on évite la prime à la grande gueule en assurant une cohérence globale, et aussi plus sexy, car plus attirant pour les candidats. »

Des sanctions prévues

Les travailleurs qui estiment être victimes de discrimination sur leur rémunération fondée sur leur sexe pourront recevoir une indemnisation. Elle peut comprendre le recouvrement intégral des arriérés de salaire et des primes. Dans ce cas, ce sera à l'employeur de prouver qu'il n'enfreint pas les règles de l'Union européenne en matière d'égalité et de transparence de rémunérations. Habituellement, la preuve devait être apportée par le salarié.