Les victimes d'escroqueries et de fraudes aux moyens de paiement sont presque deux fois plus nombreuse en 2023 qu'en 2016, « 1,6 fois plus nombreuses » exactement. Le montant du préjudice « aurait doublé », selon une analyse du ministère de l'Intérieur.

Les escroqueries sont « en progression rapide en France », passant de 250.900 victimes en 2016 à 411.700 victimes en 2023, soit une hausse moyenne de +7,3% par an, selon les données du Service statistique ministériel de la Sécurité intérieure (SSMSI) mises en ligne mercredi.

Ce chiffre englobe toutes les escroqueries et les fraudes aux moyens de paiement enregistrées par les services de police et de gendarmerie nationales, hors contraventions.

En 2023, 4,5% des personnes âgées de 18 à 74 ans en France métropolitaine ont déclaré avoir subi un débit frauduleux sur leur compte bancaire.

Mais seule une victime d'escroquerie sur dix porte plainte, selon l'enquête, intitulée « Vécu et ressenti en matière de sécurité » (VRS 2022). En associant ces données d'enquêtes aux données enregistrées par la police et la gendarmerie nationales, on peut estimer que le montant total du préjudice dû aux escroqueries a doublé entre 2016 et 2023, « passant de 2,3 milliards d'euros en 2016 à 4,5 milliards d'euros en 2023 », souligne le SSMSI.

« La réalité, c'est que les fraudeurs, les criminels, passent 10-12 heures par jour à trouver toutes les astuces pour frauder. Nous, on passe à peu près le même temps à essayer de faire en sorte que les mesures qu'on a pu prendre sont bien implémentées par les uns et les autres, et ensuite de colmater toute nouvelle brèche qui peut se présenter. Donc on est dans un jeu du chat et de la souris perpétuel », a expliqué à l'AFP le directeur de la surveillance des paiements à la Banque de France, Alexandre Stervinou.

Carte bancaire, chèque, virement : les vrais chiffres de la fraude aux paiements

Ces infractions touchent autant les hommes que les femmes, et plus souvent les adultes entre 25 et 54 ans que les autres tranches d'âge, même si les personnes âgées sont de plus en plus concernées. Les 25-34 ans représentent ainsi 17% de l'ensemble des victimes en 2023 contre 11% dans l'ensemble de la population, selon l'étude.

Le nombre de mis en cause pour escroqueries et fraudes aux moyens de paiement a lui baissé entre 2016 et 2023, passant de 64.700 à 51.100. Ceux-ci sont souvent des hommes jeunes, « de 15 à 34 ans », souligne le ministère de l'Intérieur.

Cette baisse s'explique en grande partie par le recul des infractions de falsifications et de contrefaçons de chèque sur la période (-14% par an). Une baisse à relier à la raréfaction du chèque comme moyen de paiement, selon l'étude.

Authentification forte

Denis Beau, président de l'Observatoire de la sécurité des moyens de paiement (OSMP) a récemment rappelé lors d'un colloque « l'efficacité du déploiement de l'authentification forte et des mécanismes d'appréciation des risques par les acteurs de la chaîne des paiements ».

Cette procédure d'identification à plusieurs facteurs (code reçu par SMS ou mail) permet de certifier que la personne qui souhaite effectuer un paiement en ligne est bien le titulaire de la carte ou du compte de paiement.

« En revanche, la fraude demeure encore trop élevée » lors des paiements initiés par le commerçant et des paiements à distance, par courrier et par téléphone.

Par ailleurs « les techniques des fraudeurs cherchent désormais à manipuler leurs victimes afin de les amener à réaliser eux-mêmes les opérations ou à les valider, à leur insu. À ces fins, les fraudeurs ont très souvent recours à des techniques d'usurpation d'identité via des services de télécommunication » a-t-il ajouté.

A partir du 1er octobre, les opérateurs téléphoniques devront garantir « l'authenticité des numéros » affichant un identifiant sur l'écran du téléphone de la personne appelée ou recevant le message, en application de la loi Naegelen (adoptée le 24 juillet 2020). Ainsi les fraudeurs ne pourront plus s'attribuer les numéros d'établissements bancaires ou d'organismes publics comme la Sécurité sociale.

Les banques elles mêmes se montrent très vigilantes. « On fait de plus en plus des petits films sur les réseaux sociaux pour montrer des situations où les gens se font manipuler. On fait intervenir des mentalistes », des spécialistes de l'analyse des processus mentaux, « qui expliquent les ressorts, ça a une grande puissance virale », explique ainsi le cadre d'une grande banque française. « Et puis on fait tomber les comptes de mules », qui servent à faire des escroqueries, ajoute-t-il.

L'intelligence artificielle et le « big data » vont également permettre de progresser plus rapidement sur l'analyse comportementale de la fraude. « Malheureusement, le pendant de ça, c'est que vous avez en face aussi la capacité pour les fraudeurs d'utiliser ces technologies », indique Alexandre Stervinou évoquant les « deepfake » - contrefaçon de la voix, personnages en vidéo, etc. « On est très vigilants là-dessus », assure-t-il.