Le retrait et gonflement des argiles, phénomène qui provoque de nombreuses fissures et autres dégâts sur les habitations, va encore s'intensifier dans les années à venir, à cause du réchauffement climatique. Des millions de maisons touchées, plus d'un milliard d'euros de dégâts chaque année, une indemnisation compliquée... Alors qu'une proposition de loi va être débattue au Sénat ce jeudi 30 mai, on fait le point sur la situation.  

Découvrir une fissure sur sa maison peut vite tourner au cauchemar. Pourtant, ce sinistre risque de toucher de plus en plus de Français à cause du phénomène de retrait et gonflement des argiles (RGA) qui s'accroît avec le réchauffement climatique.

Ce phénomène fait l'objet d'une proposition de loi débattue ce jeudi 30 mai au Sénat qui a été rejetée en fin de journée. Son origine ? « Des mouvements des sols liés à leur assèchement. (...) Ils se rétractent, se tassent. Lorsque les mouvements se produisent sous les maisons, les structures travaillent et peuvent casser. Ce phénomène est lent et dépend de la répétition des épisodes climatiques comme les sécheresses ainsi que de la nature des sols (...) », détaille Sébastien Gourdier, chef d'unité au Bureau de recherche géologique et minière (BRGM), dans la dernière étude publiée à ce sujet par la startup Callendar et l'association Conséquences.

Qui risque d'être touché ?

A l'avenir, tout le monde... Ou presque ! « 48% du territoire national connaît une exposition moyenne ou forte au RGA. À l'échelle nationale, 10,4 millions de maisons individuelles sont exposées à un risque RGA fort ou moyen, ce qui représente 54,2% de l'habitat individuel », selon un rapport de la sénatrice Christine Lavarde, pour la commission des finances du Sénat.

Les statistiques de Callendar et de Conséquences vont plus loin, estimant que 20 millions de maisons sont touchées actuellement par un risque moyen fort. Et la situation va se dégrader selon l'étude qui indique que même les régions peu ou pas touchées actuellement pourraient être concernées à l'avenir. D'ici 2050, le scénario pessimiste prévoit une multiplication de la sinistralité par 1,3, voire par 2, dans toute la France.

Mon logement est-il concerné ?

Callendar et Conséquences proposent une application pour se faire une idée du niveau de risque et de ses évolutions, en entrant son adresse. Pour en savoir plus sur le risque de RAG autour de chez vous, le site officiel Géorisques donne également de bonnes indications.

« Sur les 30 prochaines années, le montant des sinistres liés à la sécheresse pourrait tripler par rapport aux 30 dernières pour passer de 13,8 à 43,3 milliards d'euros en cumulé d'ici 2050 », chiffre quant à elle la fédération France assurance.

Où en est-on au niveau de l'assurance ?

Dans les médias et sur les réseaux sociaux, les témoignages s'enchaînent : les sinistrés font souvent face à un vrai parcours du combattant pour être indemnisés en cas de dégâts causés par le Retrait et gonflement des argiles. Première condition pour être couvert par son assurance habitation, la commune doit être reconnue en état de catastrophe naturelle. C'est une commission ministérielle qui accorde ce statut ou non. En moyenne, après une demande, une commune sur deux l'obtient.

Si c'est le cas, l'assuré dispose de 30 jours après la publication du décret officialisant la reconnaissance pour faire sa demande à son assureur. Mais son parcours n'est pas terminé : le retrait et gonflement des argiles doit ensuite être reconnu par l'assureur comme la cause déterminante du dommage. « Le sinistré sera au cœur d'allers-retours avec l'expert d'assurance, le géotechnicien, l'assureur, pour déterminer une solution de réparation, l'indemniser et la mettre en œuvre, ceci dans le cas où toutes les parties sont d'accord », déplore l'étude de Callendar et Conséquences. Temps moyen de la procédure : 3 ans, selon France Assureurs.

Peut-on espérer une meilleure indemnisation de ces sinistres ?

Un parcours bientôt simplifié ? Les conditions pour bénéficier de la reconnaissance catastrophe naturelle ont récemment été assouplies. Sénateurs et députés ont aussi avancé des pistes. La proposition de loi visant à réformer le régime public-privé d'assurance des catastrophes naturelles de la députée écologiste Sandrine Rousseau, adoptée par l'Assemblée nationale l'année dernière, a été débattue ce jeudi par le Sénat, et finalement rejeté. Le texte devrait de nouveau être examiné à l'Assemblée.

Le texte prévoit de faciliter la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et le lien de cause à effet avec le retrait-gonflement des argiles. La proposition a cependant peu de chances d'aboutir, car elle avait été votée contre l'avis du gouvernement et n'a pas été adoptée par la commission des finances du Sénat, qui lui reproche entre autres d'être trop coûteuse. Le 21 mai, une autre proposition de loi visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles a d'ailleurs été déposée par la sénatrice LR Christine Lavarde.

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D'autres mesures sont également préparées par le gouvernement pour mieux encadrer les pratiques des experts en assurance chargés d'évaluer les dégâts de biens immobiliers affectés par les sécheresses. Les assureurs, eux aussi, cherchent des solutions. Une « Initiative Sécheresse » a par exemple été lancée en septembre par France Assureurs, la Caisse centrale de réassurance (CCR) et la Mission Risques Naturels (MRN) pour 5 ans. Objectif, analyser des axes de prévention et de protection sur plus de 300 maisons.