4 bénéficiaires sur 5 du chèque énergie l'utilisent chaque année et la mise en place d'un dispositif exceptionnel face à la crise a montré que plus d'un ménage français sur 3 a besoin d'être accompagné pour régler ses factures de gaz, d'électricité, de fioul ou de bois de chauffage. Avec les hausses de tarifs attendues en 2023, que peut-on changer au chèque énergie pour le rendre encore plus percutant ?

Depuis sa mise en place en 2018, le chèque énergie est versé à plus de 5 millions de foyers français. Dans sa version exceptionnelle – hivers 2021 et 2022 – ce sont 12 millions de ménages qui ont été accompagnés pour régler leurs dépenses d'énergie. Plus d'un ménage sur trois donc, ce qui fait de ces aides « la moins mauvaise des solutions face à la crise », « en dépit de leur coût faramineux pour les finances publiques », tranche l'institut des politiques publiques (IPP) dans une analyse publiée mi-novembre.

En effet, la flambée des prix de l'énergie depuis octobre 2021 a déjà pesé à hauteur de 5,8% sur le niveau de vie des 20% de Français les plus modestes, contre seulement 3,1% pour celui des 20% les plus aisés, alors qu'en 2023 les factures vont encore s'alourdir avec une hausse programmée de 15% de l'électricité et du gaz. « Il faut pouvoir aider les plus modestes en renforçant le chèque énergie », confirme Nicolas Goldberg, consultant et responsable des études énergie chez Terra Nova.

Avec un taux d'usage de 80%, le chèque énergie fait mieux que la majorité des autres aides sociales, mais comment l'améliorer ? Des associations et des think tanks ont planché sur le sujet alors que s'ouvre ce jeudi la journée de la précarité énergétique.

Faut-il augmenter le montant du chèque énergie ?

Le chèque énergie s'appuie sur le revenu des ménages pour distribuer une aide d'un montant compris entre 48 à 277 euros quand le chèque exceptionnel est lui compris entre 100 et 200 euros. Suffisant ? L'association de consommateurs CLCV juge le montant du chèque énergie trop faible et propose de le tripler en 2023 avec un montant maximal de 600 euros. « Beaucoup de consommateurs doivent choisir : manger ou se chauffer, explique la CLCV. Pour les personnes ayant des revenus inférieurs à 2 000 euros par mois, certaines consacrent 60% de leur budget aux dépenses essentielles (logement, transport, énergie). »

La Fondation Abbé Pierre va plus loin et demande au gouvernement d'« aller à 800 euros pour les plus pauvres. (...) Si vous avez 5 000 euros, 15% c'est absorbable, même si ça fait beaucoup ». Pour les ménages les plus pauvres, « +15% [la hausse prévue en 2023, NDLR], ça ne passera pas », a souligné le directeur général Christophe Robert.

Mais « toucher au montant comme au plafond d'attribution d'une aide est avant tout une décision politique », tempère François Ecalle, ancien rapporteur général à la Cour des comptes et président de Fipeco, un site d'informations sur les finances publiques. Selon lui, aucun montant moyen (149 euros dans le cas du chèque énergie) ne répondra jamais à chaque cas individuel.

Faut-il changer les critères d'attribution du chèque énergie ?

C'est un constat global : quand elles sont distribuées sans ciblage d'une population spécifique, les aides profitent avant tout aux classes les plus aisées. Si l'on retient la part des revenus consacrés aux dépenses énergétiques, 25% des ménages en situation de précarité énergétique ne reçoivent pas le chèque énergie, selon les données de la Cour des comptes en février 2022 qui juge aussi que la moitié des ménages qui le reçoivent ne sont pas en situation de précarité énergétique.

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« Les tranches de revenus formant le barème du chèque énergie ne prennent pas en compte l'évolution du niveau des salaires », pointe la Cour des comptes. En clair, les ménages touchent une aide moins importante que celle à laquelle ils peuvent prétendre, car les informations générales ne sont pas mises à jour contrairement aux données individuelles renseignées auprès du fisc.

« Il faudrait pouvoir protéger ceux dont les consommations sont contraintes »

« Idéalement, il faudrait pouvoir protéger ceux dont les consommations sont contraintes », imagine Antoine Bozio, directeur de l'IPP, au Monde. Le chèque énergie pourrait donc être abondé pour tous les ménages souscrivant à des offres énergétiques qui valorisent les efforts pour une consommation plus responsables comme les contrats heures pleines / heures creuses ou encore Tempo. Avec cette dernière, plus le réseau est sollicité, plus vous payez cher et plus vous devez modérer votre consommation, mais un gain annuel de 450 euros est promis.

D'autres critères d'attribution que les revenus existent : en Allemagne, le gaz est subventionné sur un certain volume consommé. Ensuite, le client paye le prix fort. Au Portugal, les usagers renseignent leurs dépenses énergétiques dans une application pour obtenir un crédit d'impôt.

De son côté, la Fondation Abbé Pierre demande que le chèque énergie soit indexé sur les prix réels des énergies. En clair, son montant devrait grimper au même rythme que le prix des tarifs réglementés du kilowattheure. Mais cette option pose un problème : elle laisse de côté les abonnés aux offres de marché, indexées sur le marché et soumis à des variations brutales du prix.

Faut-il verser le chèque énergie à la source ?

Le virement est-il plus efficace qu'un chèque aux dépenses ciblées ? L'utilisation du chèque énergie est très encadrée. Valable 1 an, il peut être utilisé pour régler les dépenses d'énergie (électricité, gaz naturel, chaleur, gaz de pétrole liquéfié, fioul domestique, bois, biomasse, ou autres combustibles destinés au chauffage ou à la production d'eau chaude) liées au logement. Il peut aussi servir à des travaux de rénovation énergétique mais pas à payer du carburant.

« Il faut faire confiance aux ménages et verser la somme directement »

« Une simplification du courrier serait un objectif facile à atteindre, estime la Cour des comptes pour qui la mise en place par le gestionnaire du dispositif d'un mécanisme d'activation automatique de ces droits, sans démarches particulières de la part des bénéficiaires du chèque, devrait rester un objectif à terme. »

Peut-on aller encore plus loin ? Outre le montant ou l'attribution, le think tank Terra Nova estime que « le chèque énergie doit possiblement être rendu convertible en monétaire pour assurer sa pleine utilisation par les ayants droit. » Une option pertinente selon François Ecalle : « Il faut faire confiance aux ménages et verser la somme directement sans flécher le parcours. Plus c'est ciblé (fioul, bois), plus on créé des exclusions et on risque une usine à gaz. »

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