Bercy s'est associé avec Google et CapGemini pour lutter contre la fraude et détecter automatiquement les piscines non-déclarées. Mais le projet patauge, et la précision du dispositif laisse pour l'instant à désirer.

Dans les Bouches-du-Rhône, près de 8 500 foyers ont eu la désagréable surprise de recevoir des lettres de demande d'information de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), prélude à un éventuel redressement fiscal. Son motif ? La détection d'une piscine non déclarée sur leur terrain grâce à un logiciel d'intelligence artificielle (IA).

Développé en interne à la DGFiP avec l'appui de CapGemini et Google, le dispositif, baptisé « Foncier innovant », permet au fisc de croiser les déclarations des contribuables et les vues aériennes du cadastre afin de repérer les constructions non déclarées. Il est en phase de test dans 9 départements depuis octobre 2021.

Piscine non déclarée : le fisc lance la chasse avec Google

Problème : l'outil est pour l'instant à l'origine de nombreuses erreurs. « Avec les confinements, les gens se sont rués sur des piscines achetées chez Leroy Merlin ou Castorama », explique Philippe Laget, inspecteur des impôts syndiqué à la CGT interrogé par Le Parisien. « Ces piscines, bien souvent hors sol ou installées dans un trou, ne devraient pas être imposées. On considère que s'il faut la démolir pour la faire bouger, par exemple si le contour est cimenté, la piscine devient imposable. Or, le logiciel de l'IA n'a pas ce niveau de précision ».

Résultat ? Certains contribuables pourraient se voir réclamer, sans raison, environ 300 euros supplémentaires sur leur taxe foncière. Un montant qui varie selon la taille de la piscine et la commune. La DGFiP se veut toutefois rassurante : les lettres de demande d'information envoyeés aux contribuables s'inscrivent dans « une phase de dialogue (...) qui permet de confirmer ou d'infirmer les informations détenues par l'administration fiscale par les usagers. Cela va prendre encore plusieurs semaines. C'est à l'issue de ce dialogue que la taxation (ou la non taxation) sera notifiée. Les contribuables auront encore la possibilité de contester et de faire une réclamation ».

Bis repetita

L'administration fiscale n'en est pas à son premier coup d'essai. En 2019, le cabinet de conseil Accenture avait remporté l'appel d'offres de Bercy. A la clé, un contrat de 20 millions d'euros pour déployer une solution de détection automatique des constructions non déclarées. Le projet avait toutefois pris l'eau après quelques mois d'expérimentation dans les départements des Alpes-Maritimes, de Charente-Maritime et de la Drôme.

Depuis, Google et CapGemini ont repris le flambeau. Mais les difficultés persistent. « Parfois, l'IA a pris des bâches bleues pour des piscines, elle a enregistré des piscines hors sol ou en a oublié... » explique au Parisien une géomètre du service des Bouches-du-Rhône. Selon les estimations des syndicats, sur les 11 482 piscines signalées par l'IA, le logiciel se serait trompé dans près de 30% des cas.

« Le principe de l'intelligence artificielle est qu'elle “apprend” et s'enrichit au fur et à mesure. Il est donc normal qu'il y ait des ajustements, notamment en phase d'expérimentation. Les analyses de l'IA ont donc été vérifiées par des agents, ce qui fait partie intégrante du processus. Ce sont ces travaux qui sont conduits actuellement et qui permettent justement de corriger les erreurs et de faire en sorte que l'IA apprenne et s'améliore », rétorque la DGFiP.

Dans le même temps, la facture ne cesse de s'alourdir. Toujours selon les syndicats, le coût du projet aurait doublé pour passer de 20 à 40 millions d'euros. La DGFiP prévoyait initialement d'étendre le dispositif à l'ensemble du territoire de la métropole d'ici la fin 2022. Mais face aux difficultés rencontrées, ce calendrier pourrait être remis en cause. Une bonne nouvelle pour les fraudeurs !

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