L'Allocation adultes handicapés (AAH) a été réformée par le Parlement pour ne plus tenir compte des revenus du conjoint. Si ce texte a fait la quasi unanimité chez les élus, deux points restent en suspens : que la déconjugalisation sèche entraîne une perte de ressources et la date d'application de la réforme.

La mesure était réclamée par les associations spécialisées et promise par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle. Le gouvernement va réformer l'allocation aux adultes handicapés (AAH) dans le cadre du projet de loi pouvoir d'achat débattu cette semaine à l'Assemblée nationale. « Nous partirons du principe de la déconjugalisation » a expliqué la Première ministre Elisabeth Borne lors de son discours de politique générale. Il s'agit donc d'en calculer le montant et de l'attribuer de façon individuelle d'ici fin 2023, au lendemain d'une « conférence nationale du handicap » au début de la même année.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, les députés ont voté par 428 voix pour (et une voix contre) la déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé en première lecture.

L'AAH, c'est quoi ?

Créée en 1975, l'AAH est destinée à compenser l'incapacité de travailler. D'un montant maximal de 904 euros mensuels, elle est versée sur critères médicaux et sociaux. Elle compte aujourd'hui plus de 1,2 million de bénéficiaires, dont 270 000 en couple, pour une dépense annuelle d'environ 11 milliards d'euros. Si la loi passe, un bénéficiaire de l'AAH verra son allocation revalorisée de 37 euros par mois dès le 1er juillet.

L'allocation aux adultes handicapés est versée si vous respectez des critères d'incapacité (80% au minimum), d'âge (+ de 20 ans), de résidence (Français, européen, étranger hors UE) et de ressources du foyer, pondérées par le nombre d'enfants à charge.

Comment demander l'AAH ?

Pour déposer votre dossier de demande (ou de renouvellement) en ligne, il suffit de se rendre sur la page dédiée de service-public.fr. La Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) se réunit enuite et donne une réponse dans un délai de 4 mois.

En l'absence de réponse au-delà de 4 mois, la demande est considérée comme rejetée.

L'AAH est cumublable avec d'autres ressources et sa durée dépend de la nature du handicap.

Pourquoi changer le calcul ?

En France, pour le versement des prestations sociales, on tient généralement compte de la situation familiale et de la capacité du couple à subvenir aux besoins du foyer. C'est cette dernière situation qu'entend modifier le texte, rendant la personne handicapée moins dépendante de son conjoint.

Pendant la campagne présidentielle, Lucie Carrasco avait interpellé Emmanuel Macron sur une nécessaire réforme de l'AAH dont le fonctionnement est « une aberration ». Cette styliste estime que cette aide qui doit être considérée comme un revenu individuel d'existence » et non une aide sociale complémentaire. « Si je me marie et que mon mari a le malheur de toucher plus de 2 000 euros, je n'aurais plus d'aide. Donc nous vivrons à 2 000 euros à deux, les 2 000 euros de monsieur de qui je dépendrais financièrement », avait-elle précisé à BFMTV.

« J'ai perdu mon allocation lorsque je me suis pacsée ! Je suis dépendante physiquement (handicap à 80%). Me voilà donc également dépendante financièrement de mon compagnon ! Lorsque je travaillais, on ne me demandait jamais les revenus de mon époux pour calculer mon salaire », illustre une autre femme relayée par APF France handicap.

Qui va en bénéficier ?

Selon la rapporteure Renaissance (ex-LREM) du texte de loi, Charlotte Parmentier-Lecocq, qui cite les évaluations menées par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), 160 000 ménages devraient voir le montant de leur aide mensuelle augmenter de 300 euros en moyenne.

Peut-on voir le montant de son aide baisser ?

Des mises en garde ont été formulées dans le cadre des débats parlementaires car une déconjugalisation sèche pourrait entraîner une perte de ressources pour 45 000 personnes. Dans un communiqué, Collectif Handicaps, qui regroupe cinquante-deux associations, se réjouit « de la volonté de déconjugaliser l'AAH » mais « sera néanmoins très vigilant à ce qu'il n'y ait aucun perdant après la réforme annoncée ».

« Le gouvernement a bien l'intention d'instituer un dispositif transitoire permettant à un allocataire de l'AAH, qui serait susceptible de voir le montant de son allocation diminuer en raison de la déconjugalisation, de conserver le montant de cette allocation jusqu'à l'expiration des droits acquis » a répondu le ministre du Travail Olivier Dussopt.

Lors du vote, un amendement a prévu que tout allocataire pourrait continuer de bénéficier de l'AAH selon l'ancien mode de calcul jusqu'à expiration de ses droits quand les anciennes modalités lui sont plus favorables.

Quand sera mise en œuvre la réforme ?

C'est le principal point de discorde entre les députés. Dans sa version gouvernementale, la réforme de l'AAH doit entrer en vigueur en octobre 2023, soit dans 15 mois. Le député UDI Philippe Vigier a déposé un amendement pour une mise en place au plus tard le 1er janvier 2023. Son collègue, chef de groupe EELV, Julien Bayou plaide de son côté pour une application immédiate.

Une réforme rejetée par les députés En marche en 2021

Malgré un accord rare entre Les Républicains et la France insoumise, en octobre 2021, la majorité En marche avait rejeté l'individualisation de l'AAH aux personnes en couple. Le parti présidentiel jugeait cette mesure inéquitable, car bénéficiant sans distinction aux personnes modestes comme aux plus fortunées.