Pressé par la hausse des prix de l'énergie, le gouvernement a mis des pansements en urgence pour éviter des factures démentielles dans les mois qui viennent. Néanmoins, les associations de défense des consommateurs, comme les professionnels du secteur de l'électricité, insistent pour des réformes structurelles ou une baisse, durable, des taxes.

Des hausses à deux chiffres des tarifs réglementés et des prévisions toujours plus pessimistes pour les futures factures énergétiques des Français ont poussé le gouvernement à parer au plus pressé. Fin septembre, le Premier ministre Jean Castex a annoncé un « bouclier tarifaire » pour contrer les augmentations. Les tarifs réglementés du gaz, réévalués chaque mois, ont été gelés jusqu'au printemps 2022. Pour ceux de l'électricité, revus deux fois par an et sur lesquels influe le prix du gaz, Jean Castex a choisi de diminuer les taxes pour contenir la hausse des tarifs bleus de 12% à 4%.

Un plan d'urgence temporaire rendu nécessaire par le fait qu'un foyer de quatre personnes se chauffant à l'électricité a vu sa facture moyenne bondir de 30% depuis janvier 2021. Le sujet est brûlant à l'approche de l'élection présidentielle : le pouvoir d'achat constitue un sujet de préoccupation pour 87% des Français, selon le baromètre publié par Harris Interactive pour Politico. Et si le consommateur peut intervenir à son niveau en comparant les offres ou en privilégiant des contrats à tarifs bloqués par exemple, deux axes de réformes à long terme sont préconisés : une révision de l'organisation du marché et du mode de calcul, et une refonte de la fiscalité.

Réformer le marché français de l'électricité

Les tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRV) ne sont pas tout mais, contrairement à ceux du gaz qui disparaîtront en 2023, il faut composer avec eux pour penser le marché français ! Les tarifs bleus ne couvrent que le coût de fourniture de l'énergie et de l'entretien (très cher) des centrales nucléaires, soit au final un tiers de la facture totale. Et s'ils augmentent de manière régulière depuis des années, c'est l'Accès régulé à l'électricité nucléaire historique ou Arenh qui cristallise les critiques. Ce procédé, issu de la loi Nome de 2011, garantit aux fournisseurs alternatifs 100 TWh par an de la production nucléaire d'EDF contre un prix fixe de 42 euros le MW/h. Un plafond, jamais atteint avant 2017 mais désormais explosé chaque année (147 TWh en 2020) par les 33 fournisseurs alternatifs, et un prix fixe qui crispe les acteurs.

« Ce rationnement de la production nucléaire contribue à gonfler les prix »

L'Arenh est dans le viseur des associations de défense des consommateurs comme des professionnels. « Il y a matière à améliorer la formule de calcul qui tend à surestimer le surcoût du rationnement du nucléaire des opérateurs alternatifs », estime la CLCV. « Il en va de la protection de l'utilisateur et des prix qui lui sont proposés », abonde Julien Teddé, directeur général de Opéra Energie. « Ce rationnement de la production nucléaire contribue à gonfler artificiellement les prix du marché comme des TRV », confirme l'UFC-Que choisir.

« Le dispositif de l'Arenh fonctionne bien, défend la Commission de régulation de l'énergie (CRE) mais ses paramètres sont obsolètes. » Dans un rapport de 2020, l'organisation évalue le prix minimum du MW/h à 48 euros pour couvrir les coûts d'EDF et préconise une hausse de la dotation aux alternatifs à 150 TWh. Ce quota a été voté mais pas appliqué en raison des négociations européennes sur le cas d'EDF.

Plus ironique mais pas moins instructif pour démontrer la nécessité d'une réforme, le courtier Opéra Energie propose de parier sur le dépassement annuel du plafond de l'Arenh... La majorité des votes (à date du 12 octobre) tablent sur un total de 159 TWh distribués en 2022 quand un joueur a misé sur 188 TWh. Sachant que plus le dépassement est important, plus la hausse moyenne des prix sera forte car la CRE va en tenir compte au moment de décider de l'écrêtement. C'est-à-dire au moment de répartir la quantité d'électricité fournie par EDF et celle que les fournisseurs doivent acheter sur les marchés.

A l'heure actuelle, la hausse moyenne pourrait être de 15 à 20% en 2022 si rien ne change :

Plus radicale, la CLCV a une autre solution : le retour aux TRV pour tous en 2025, date à laquelle la période transitoire de l'Arenh s'achève. En effet, les fournisseurs étaient censés de disposer de leurs propres infrastructures d'ici là ce qui n'est pas le cas. « L'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence est un pari raté qui nuit au consommateur. Trouver une solution avant 2025, est une obligation », juge François Carlier, le directeur général de la structure. Il insiste sur le fait que les deux tiers des consommateurs - plus de 20 millions sur 33 - utilisent toujours les tarifs bleus.

Baisser les taxes

C'est la promesse favorite de beaucoup de candidats à l'élection présidentielle d'avril prochain : baisser les taxes sur l'énergie. A court terme, elle ne coûte pas cher. C'est aussi une stratégie défendue par les associations de défense des consommateurs et par les professionnels. Pour l'UFC-Que choisir, « l'Etat matraque les consommateurs avec des taxes et une TVA à 20% sur la consommation du client », elle-même déjà taxée de plusieurs façons.

« L'Etat matraque les consommateurs »

La fiscalité de l'électricité comprend la contribution tarifaire d'acheminement (CTA), la contribution au service public de l'électricité (CSPE) et les taxes sur la consommation finale d'électricité (TCFE) qui sont soumises... à la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA). « Le seul levier efficace serait une baisse de la TVA actuellement fixée à 20% sur la consommation et à 5,5% sur l'abonnement », appuie la CLCV.

« On taxe même les taxes environnementales », souligne Antoine Autier, responsable des études à l'UFC-Que Choisir. En effet, la CSPE, qui a augmenté de 12% depuis dix ans, servait à l'origine à financer les énergies renouvelables. Depuis 2017, elle est reversée directement au budget général de l'État. A plusieurs reprises, la Cour des comptes a dénoncé le poids de ces taxes imputées au consommateur.

Au total, les taxes pèsent pour 37% de la facture globale en 2021. Ce pourcentage était de 25% en 2010.

Quant au troisième élément constitutif du prix de l'élecricité : le coût de réseau, généralement résumé par la mention « abonnement », il a augmenté de 15 euros en 2020 pour faire face aux travaux nécessaires dans le cadre de la transition énergétique. Pour l'heure, personne ne demande sa révision.

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Gaz : l'échec du lissage

Pour réguler la hausse du gaz, le gouvernement a pour le moment parié sur le lissage des factures. Les quelque cinq millions de ménages concernés par les variations du prix des TRV du gaz, auront à payer les surcoûts hivernaux de façon plus étalée, à partir du printemps prochain, quand les cours baisseront selon l'hypothèse optimiste avancée par le gouvernement.

Cette technique a déjà été utilisée dans un passé récent avec un succès très limité. En 2012, le Conseil d'Etat avait imposé de réviser rétroactivement les tarifs et d'augmenter les factures sur la base des coûts passés.