C'est une surprise. Le Nouveau Front populaire est le premier des trois « blocs » opposés lors de ces élections législatives anticipées. Le NFP est (très) loin de la majorité absolue mais le rapport de force au sein de la nouvelle Assemblée nationale lui est favorable. L'alliance de gauche va tenter d'appliquer son programme, ou une partie. Voici ce qui sera posé sur la table au rayon fiscalité.

Attention, malgré les surprises du second tour des législatives 2024, aucun camp ne sort véritablement vainqueur de ces élections. L'alliance de gauche, qui réunit sous la bannière du Nouveau Front populaire (NFP) les partis LFI, PS, EELV, PCF ou encore Génération·s et Place Publique, a peu de chances de convaincre l'Assemblée nationale, disloquée en 3 voire 3,5 blocs (en comptant LR) distincts, d'appliquer son programme à la lettre. Mais le nouveau rapport de force devrait permettre au NFP de poser ses débats prioritaires. Rayon impôts, voici ses 3 chantiers majeurs.

1 - Impôt sur le revenu : passer de 5 à 14 tranches

Non seulement le vote d'un nouveau barème est loin d'être acquis, mais personne ne connaît précisément le projet de barème en 14 tranches. Mais alors, pourquoi est-il parfois question d'une tranche à 90% ? Car c'est ce que proposaient des députés LFI dans un amendement... remontant à décembre 2021. Et c'est ce qui était écrit dans le programme « Mélenchon 2022 » : « Le taux marginal sur la plus haute tranche de revenus, au-delà de 400 000 euros par an, est fixé à 90% (somme de l'IR et de la CSG) ». Nuance d'importance, déjà, la tranche à 90% s'entendait CSG incluse.

Impôt sur les revenus : 14 nouvelles tranches pour le barème, ça change quoi ?

Certes, le « simulateur de la révolution fiscale » hébergé sur le site de La France insoumise brouille les cartes. Car il propose de « simuler votre imposition avec le Nouveau Front Populaire en 10 secondes ». Or, après vérification par MoneyVox, en comparant avec le simulateur officiel de la DGFiP, on comprend que le calcul mesurant « l'imposition actuelle » est basé sur le barème de l'impôt sur le revenu en vigueur en 2022... Version « présidentielle 2022 » et non « législatives 2024 », donc.

« Pour le coup, on n'a pas eu le temps, il faut qu'on refasse les calculs »

Alors, quid du barème NFP à 14 tranches version 2024 ? Le programme du Nouveau Front populaire reprend uniquement le principe d'« accroître la progressivité de l'impôt sur le revenu à 14 tranches ». Le détail du barème n'est pas précisé. Le principe serait le même qu'aujourd'hui : quand vous gagnez 100 000 euros par an (plus de 8 300 euros par mois), une partie de vos revenus sont taxés à 0%, une autre à 11%, une autre à 30% et ce qui dépasse 82 342 euros à 41%. Avec 14 tranches, les seuils seraient plus nombreux et les taux plus progressifs. Avec probablement des taux supérieurs au 45% en vigueur actuellement pour les hauts voire très hauts revenus.

Eric Coquerel, président LFI de la commission des finances de l'Assemblée nationale lors de la dernière législature, reconnaît dans 20 Minutes que le nouveau barème ciblé n'est pas défini : « Pour le coup, on n'a pas eu le temps, il faut qu'on refasse les calculs, mais l'objectif est le même. Dans les barèmes qu'on va mettre en place dans la progressivité, on fera en sorte que les gens qui sont en dessous de 4 000 euros ne paient pas plus d'impôts. »

Suppression de la flat tax ?

« Supprimer la flat tax » : sur ce point, le programme est clair. Autant l'objectif d'un barème à 14 tranches est encore très flou, autant la suppression de l'actuel taux forfaitaire à 12,8% d'impôt sur le revenu pour les intérêts de placements financiers est affichée sans aucune ambiguïté. Si jamais cette suppression faisait consensus à l'Assemblée, les gains financiers seraient soumis au barème progressif de l'impôt, comme les revenus du travail.

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2 - Rendre la CSG progressive

« Rendre la CSG progressive » : telle est la promesse du Nouveau Front populaire, cette mesure figurant parmi les priorités des 100 premiers jours d'un hypothétique gouvernement issu de la coalition de gauche. Aucun autre détail ne figure dans le programme.

Actuellement, la CSG pesant sur les salaires est linéaire, à 9,2%. Mais elle est déjà progressive sur les retraites, notamment. Là encore, le « simulateur de la révolution fiscale » de LFI permet de comprendre le principe, puisque la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu irait de pair avec cette CSG progressive. Mais, comme expliqué ci-dessus, ce simulateur n'est clairement pas à jour puisque basé sur des chiffres de 2022. Le programme 2022 de LFI visait « 14 tranches » de CSG progressive.

Et le NFP ? L'accord paraphé par l'alliance de gauche en 2024 n'évoque pas ces 14 tranches, ni ne définit aucun seuil... Là encore, un projet qui reste à définir.

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3 - Le retour de l'ISF

« Rétablir un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) renforcé avec un volet climatique » : voici la mesure faisant consensus entre les différents partis de gauche.

Emmanuel Macron et son premier gouvernement ont transformé l'ISF en impôt sur la fortune immobilière, écartant les avoirs financiers ou biens luxeux (yachts, etc.) du périmètre de ce prélèvement fiscal.

Le Nouveau Front populaire compte non seulement revenir en arrière en réintégrant le patrimoine financier mais aussi aller plus loin avec de nouvelles tranches. Objectif : cibler en priorité « les contribuables pour lesquels le système fiscal actuel présente des défaillances », ont expliqué les économistes Julia Cagé et Gabriel Zucma, lors d'un point presse consacré au programme économique et fiscal du NFP.

Là encore, il s'agira de convaincre les députés des autres camps. Sur le retour de l'ISF, toutefois, il faut souligner que le Rassemblement national a intégré cette mesure récemment à son programme, avec l'objectif de rétablir une version proche de l'ancien ISF.

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Quand ?

L'objectif du NFP est de déposer un « projet de loi de finances rectificative » dès le 4 août. Et toutes les mesures fiscales évoquées ici, la progressivité de la CSG, de l'impôt sur le revenu, le retour de l'ISF, la suppression de la flat tax mais aussi le retour de l'exit tax ou la suppression des « niches fiscales inefficaces, injustes et polluantes » et une réforme de « l'impôt sur l'héritage » sont au menu d'une telle loi de finances rectificative.

A la vue de l'Assemblée fragmentée issue des élections législatives, impossible de deviner le menu de l'Assemblée nationale. Une chose est sûre : les débats fiscaux seront envenimés.