TUC, pour travaux d'utilité collectives : ce sigle datant des années 1980 refait l'actualité depuis la réforme des retraites. Les trimestres de TUC sont désormais pris en compte... mais pas pleinement reconnus comme travaillés, au grand désarroi des futurs retraités privés du dispositif carrière longue. Le feuilleton se poursuit au Conseil d'Etat.

« On attend pendant 40 ans que les TUC soient enfin reconnus comme du travail... et on ne nous donne que la moitié ! » Ce coup de gueule, c'est Yves Coussement, trésorier de l'association « TUC, les oubliés », qui l'a poussé dans un entretien à MoneyVox fin octobre, deux mois après la mise en œuvre de la réforme des retraites. « Ils n'ont fait qu'un alinéa sur les deux qui auraient été nécessaires... Ils ont oublié les carrières longues ! » Pour résumer, les trimestres lors desquels les personnes intéressés (potentiellement plus d'un million selon les dernières estimations) ont fait leurs travaux d'utilité collective sont assimilés, comptent bien pour le calcul de la pension de retraite... mais ils ne sont pas réputés cotisés ce qui ne leur permet pas d'être pris en compte pour un départ anticipé pour carrière longue.

Trimestres TUC : « Ils ont oublié les carrières longues ! »

Depuis que les « oubliés des TUC » se sont rendus compte de cette « demi-mesure », ils négocient et tentent le bras de fer face au gouvernement. La menace était connue : saisir le Conseil d'Etat. Après avoir sollicité le Premier ministre début 2024, en l'invitant à corriger ce manquement dans « l'équité des droits » à la retraite, l'association constate l'absence de réponse, considérant qu'il s'agit d'un « refus » selon l'avocat de l'association, Me Jérôme Rousseau. Ce prérequis étant passé, l'association et son avocat enclenchent la saisine du Conseil d'Etat.

« Le gouvernement se met dans l'illégalité »

« En maintenant une réglementation qui laisse sur le côté de la route une partie de la population pour l'accès aux carrières longues, le gouvernement se met dans l'illégalité », argumente Me Rousseau. Ce combat juridique s'annonce-t-il comme un feuilleton sans fin ? Pas forcément : « J'espère un an maximum de procédure », répond Jérôme Rousseau, qui ne désespère pas de voir le gouvernement se réveiller en modifier les textes réglementaires sans attendre la décision du Conseil d'Etat.

« Les gens ont surtout envie de partir plus tôt »

Marie-Claire Stahl, présidente de l'association TUC les oubliés de la retraite, ne décolère pas et ne craint pas la longueur de la procédure juridique, ne comptant pas baisser les bras, mais elle se désole pour ceux qui feront valoir leurs droits à la retraite avant la décision de la juridiction suprême : « Une fois que l'on est partis à la retraite, on ne peut pas revenir en arrière. »

Surtout que, selon elle, le combat des ex-TUC ne vise pas un recalcul des droits si les trimestres basculent un jour dans la catégorie « réputés cotisés » : « Les gens ont surtout envie de partir plus tôt. » Or, les anciens TUC approchent en nombre de l'âge de départ, qui plus est s'ils espèrent partir en anticipé en utilisant leur début de carrière en travaux d'utilité collective.

Afin de mettre la pression sur le gouvernement, l'association veut pousser un maximum d'ex-TUC à faire valider leurs trimestres (en « assimilés » pour l'instant), une démarche possible depuis quelques mois sur lassuranceretraite.fr ou auprès de votre Carsat. « On n'a que 7 000 personnes sur notre groupe Facebook [TUC, les oubliés] alors que l'on parle de millions de TUC ! » reconnaît Marie-Claire Stahl.

Objectif parallèle de l'association : faire savoir aux ex-TUC qu'ils peuvent valider leurs trimestres

« Nous voulons avoir le maximum de monde qui demande la validation de leurs trimestres TUC. Notre but, c'est que les gens ils aient leur droit ! S'ils le savent pas qu'ils y ont le droit, ils ne peuvent pas demander. La caisse de retraite est censée communiquer mais je n'y crois pas trop. Donc on va communiquer à notre niveau [dans la presse, notamment, NDLR], et ensuite tant mieux si 30 000 ou 40 000 réclament leur dû grâce à cette communication. »

En effet, sans parler des carrières longues, le fait de faire reconnaître ces périodes permet de bonifier votre future retraite : « Cela évite de la décote par exemple. Moi quand je partirai à 61 ans, la validation de mes trimestres TUC m'évitera une décote, et cela me fera 30 euros par mois en plus. »

Ce combat parallèle à la lutte juridique, celui de la pédagogie auprès de la foule d'anciens TUC, vise à pousser l'Assurance retraite à améliorer sa prise en charge. Certes, la liste des justificatifs acceptée est désormais connue mais l'association la juge trop restrictive et réclame plus de souplesse (« Bien sûr il est conseillé de garder tous les documents mais nous étions jeunes... Et pourquoi les organismes ne les ont plus nos bulletins ? L'informatique existait déjà ! »). Certes, un parcours dédié sur lassuranceretraite.fr permet de soumettre ces justificatifs mais les trimestres tardent à apparaître sur les relevés de carrière selon Marie-Claire Stahl.

TUC

Capture d'écran de lassuranceretraite.fr

« Une boîte aux lettres que personne n'ouvre jamais »

« Là encore on nous rapporte des dysfonctionnements », explique Marie-Claire Stahl. « Le gouvernement évoquait une interface mais à ce stade elle fonctionne comme une boîte aux lettres que personne n'ouvre jamais. » Le feuilleton est loin d'être terminé. Reste à savoir s'il se conclura ou non sur un happy end.