Comment faire en sorte que la fiscalité énergétique soit plus juste et permette d'atteindre les objectifs climatiques ? La Cour des comptes a publié récemment un avis sur la question. Parmi ses propositions, une taxe sur les plus hauts revenus et / ou patrimoines. Explications.

Des taxes qui pèsent davantage sur les plus modestes, qui sont défavorables à l'environnement... Le dernier avis de la Cour des comptes repéré par Les Echos sur la place de la fiscalité de l'énergie dans la politique énergétique et climatique française tacle le système actuel.

Premier constat : une grande partie du montant moyen versé par les ménages pour l'énergie, 1 720 euros pour leur logement et 1 420 euros pour leurs transports en 2021, est dépensé pour les taxes (par exemple la TVA ou l'accise sur l'énergie NLDR). Elles représentent plus de 40% du prix HT des énergies pour le logement et jusqu'à 140% pour les transports.

Prix de l'électricité : le calcul incompréhensible du tarif réglementé d'EDF

« En 2022, le prix moyen supporté (hors TVA) par les ménages a été de 27 euros le MWh, soit presque deux fois plus que le prix moyen de 14 euros par MWh réglé par les entreprises et les administrations publiques », indique aussi la Cour des comptes.

Les particuliers sont aussi impactés par des obligations censées reposer sur les fournisseurs d'énergie et les vendeurs de carburant, comme les Certificat d'économie d'énergie (CEE). « Des évaluations conduites par l'administration permettent d'estimer que les CEE représentent entre 3% et 5% du prix TTC des carburants, de l'électricité ou du gaz. Pour l'essence, ils représentent environ 5 à 6 centimes d'euros par litre. »

Les ménages modestes plus touchés par les taxes

La Cour des comptes reproche l'impact de la fiscalité énergétique sur l'environnement.« Le montant des dépenses fiscales relatives à la fiscalité énergétique et classées comme défavorables à l'environnement dans le rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État s'établit à 5,9 milliards d'euros, en croissance de 31% au cours des cinq dernières années », indique-t-elle.

Elle constate surtout que cette fiscalité pèse davantage sur les plus modestes : « Elle atteint 3,9% du revenu moyen du premier quintile de la distribution des revenus des ménages, tandis que ceux faisant partie des 20% les plus aisés acquittent des taxes sur l'énergie représentant en moyenne 1,1% de leurs revenus. » Résultat, les moins aisés paient un impôt qui, « en proportion de leur revenu, est environ quatre fois supérieur à celui acquitté par les plus aisés ».

Encore plus paradoxal alors que les Français les moins aisés émettent 2,18 fois moins de GES (en termes d'empreinte carbone) que les Français les plus aisés. Selon elle, « il serait ainsi justifié que le taux effectif d'imposition lié à l'énergie soit au moins proportionnel, voire progressif au regard des revenus ».

Justice fiscale et acceptabilité

Actuellement « la fiscalisation de l'énergie consommée par les ménages contredit de fait deux principes de justice fiscale aux fondements constitutionnels : le principe selon le taux d'imposition doit croître avec le niveau de revenu (ou de vie), puisque cette fiscalité n'est ni progressive, ni même proportionnelle au revenu », note l'avis de la Cour des comptes.

Parmi ses différentes propositions, on retrouve donc « la création d'une imposition exceptionnelle sur les plus hauts revenus et/ou plus hauts patrimoines, compensant les déséquilibres en termes d'incidence fiscale de la fiscalité de l'énergie, et permettant de financer les investissements en faveur de la transition énergétique ».

Cette taxe serait une des pistes pour garantir une plus grande acceptabilité de la fiscalité de l'énergie par les contribuables. « Cette demande s'est notamment exprimée lors du grand débat qui a suivi la crise des « gilets jaunes », et a été objectivée par une enquête de l'ADEME, dont il ressort que les Français privilégient une plus grande contribution des plus hauts revenus à la transition énergétique. »

Future hausse des prix de plus de 10% ?

Pour la Cour des comptes, il y a urgence à réformer cette fiscalité, aussi pour se mettre en conformité avec des textes européens, notamment la directive européenne taxation de l'énergie qui doit être réaxaminée. La mesure pourrait, si elle est adoptée, entraîner une nouvelle hausse des tarifs pour les ménages, à partir de 2027.

« Les prix pourraient augmenter de 11 à 13% pour le gaz et de 10 à 11% pour le carburant à court terme, remettant en cause les équilibres préexistants sur le niveau des accises de l'énergie. » Ces textes amèneraient aussi à une remise en question de nombreux tarifs réduits ou particuliers ainsi que le système dual de TVA (5,5% sur l'abonnement et 20% sur le KWh, pour le gaz et l'électricité).

Electricité et gaz : cette ligne à vérifier sur votre facture pour éviter les mauvaises surprises