Le gouvernement a promis que le consommateur ne paiera pas en 2023 ce qui a été gelé ou limité en 2022. Malgré tout, le marché de l'énergie est tellement instable que les prix seront potentiellement toujours aussi hauts dans un an. Faut-il, par précaution, moduler sa facture dès maintenant ?

Sans intervention de l'Etat, les tarifs réglementés de l'électricité (TRV) auraient bondi de 44% au 1er février 2022. En moyenne, cela aurait représenté une hausse de 330 euros par an selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Un montant non négligeable pour une famille qui se chauffe à l'électrique et dont la facture annuelle est déjà au-dessus 1 500 euros, selon la même source. Mais le bouclier tarifaire décidé par le gouvernement va donc cantonner la hausse à 4% en février et en août prochain. Soit une augmentation annuelle évaluée à 38 euros par la CRE.

La situation est identique pour les tarifs réglementés du gaz : le gouvernement a finalement décidé de les geler jusqu'à la fin 2022 pour préserver le pouvoir d'achat des particuliers, quand les prévisions tablaient sur des augmentations moyennes comprises entre 10 et 20%, chaque mois.

Les prix de l'énergie sont-ils vraiment bloqués ?

Mais que va-t-il se passer début 2023 ? Le consommateur qui est abonné aux tarifs réglementés ou à des offres qui y sont indexés va-t-il payer la note ? Interrogé sur le coût de l'électricité, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a assuré que le bouclier tarifaire n'entraînera pas de rattrapage en 2023 pour les consommateurs. « Ce sont l'État et EDF qui supporteront le coût de cette mesure », a-t-il affirmé. Et ce, bien qu'elle soit plus compliquée et coûteuse que prévu à mettre en œuvre.

L'État va d'abord se priver d'un impôt et abaisser au minimum la Taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE). Une mesure qui permet à elle seule de ramener la hausse des TRV à 20% contre les 44% cités plus haut. Pour arriver aux 4%, il a été demandé à EDF de vendre aux opérateurs alternatifs à un prix moindre que celui des marchés. EDF va ainsi vendre à un prix réduit jusqu'à 40% de sa production électrique en 2022. Le coût pour l'entreprise publique sera important (près de 8 milliards d'euros) mais inférieur à ses gains, selon Julien Teddé du courtier Opéra Energie.

« La question du non-rattrapage en 2023 est pour l'heure une promesse politique et le marché de l'énergie reste instable » tempère Julien Teddé. Et, comme les promesses des hommes politiques n'engagent que ceux qui les reçoivent, selon la formule de Charles Pasqua, la Commission de affaires économiques du Sénat a aussi interpellé le gouvernement sur le sujet et exprimé ses craintes de voir les consommateurs payer les pots cassés des engagements de campagne électorale.

Faut-il craindre un rattrapage ?

Autre motif de méfiance, par le passé, les interventions politiques sur les factures énergétiques se sont souvent mal passées. Le danger du « bouclier tarifaire », selon l'expression de Jean Castex, est de simplement reporter le paiement des surcoûts actuels. En 2011, pour faire face à des hausses massives des tarifs réglementés du gaz et de l'électricité, François Fillon avait décidé un gel des prix. Le Conseil d'Etat avait contesté ce choix mais le gouvernement avait maintenu son cap à l'approche de la présidentielle de 2012. Résultat, deux mois après l'élection de François Hollande, sept millions de foyers chauffés au gaz avaient vu leur facture bondir de 40 euros par mois en moyenne pour compenser.

En 2014, c'est Manuel Valls, fraîchement nommé à Matignon, qui publie deux arrêtés pour stopper la hausse des tarifs de l'électricité. Mais le Premier ministre se heurte à nouveau au Conseil d'Etat qui impose un lissage d'un milliard d'euros sur 18 mois, soit 30 euros par client.

En 2023, si la question se pose pour le gaz dont les tarifs sont suspendus, en électricité le fait d'avoir maintenu une hausse de 4% devrait éviter une déconvenue juridique selon un avocat sollicité par MoneyVox.

Faut-il moduler sa facture mensuelle ?

Plusieurs cas de figure existent selon le contrat dont vous êtes titulaire.

Si vous êtes lié par un contrat variable indexé sur le marché de gros dont les cours s'envolent, l'heure est grave. Dans un courrier consulté par MoneyVox, Mint énergie a prévenu ses clients début janvier du montant prévisionnel de leur facture (du simple au triple) et incité ceux-ci à revenir aux tarifs réglementés. Depuis l'automne, nombre d'acteurs du secteur (Cdiscount, Vattenfall, Alterna ou Plüm) ont procédé de la sorte en refusant les nouveaux clients, en mettant leur offre sur pause ou même en se retirant du marché comme Leclerc Energies. Résultat, le Médiateur national de l'énergie enregistrait 60 offres différentes le 2 décembre (chiffre stable en janvier) pour l'électricité contre 94 le 12 août.

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Dans cette situation, il faut aussi se méfier des changements contraints de contrats, avec souvent une hausse importante de la facture. L'association de défense des consommateurs, CLCV a assigné en justice les fournisseurs d'électricité ekWateur, GreenYellow (Cdiscount), Mint Energy et Ovo Energy pour des pratiques commerciales jugées trompeuses. Parmi les griefs, le fait de transformer sans le consentement explicite du client une offre indexée sur le tarif réglementé de vente en une offre indexée sur les fluctuations du marché de gros.

Si malgré tout, vous souhaitez garder votre contract actuel mais que vous avez des difficultés à payer vos factures, pensez à demander au fournisseur de pouvoir l'étaler. Il pourra aussi vérifier si le contrat est adapté et voir votre éventuelle éligibilité au chèque énergie. Services sociaux, Caf, associations caricatives avec des fonds dédiés sont aussi listés sur le site du Médiateur de l'énergie pour aider les foyers dans le besoin.

Si vous êtes client des tarifs réglementés ou que votre contrat est indexé sur eux, vous êtes « tranquille » en 2022 puisque la hausse n'excédera pas 4%, soit moins de 40 euros sur l'année en moyenne. En cas de coup dur, vous pouvez demander à votre fournisseur un délai de paiement à l'image de ce que propose EDF. Le fournisseur permet aussi de modifier, une fois par an, le montant des mensualités pour l'adapter à sa consommation. Profitez en notamment si celle-ci a baissé pour réduire votre facture mensuelle sans attendre la régularisation de fin d'année. Et si jamais votre facture d'électricité ou de gaz vous semble trop élevée au regard de votre consommation, pensez à faire une réclamation auprès du fournisseur d'énergie.

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Prix de l'électricité : attention aux offres trop basses

En cette période de crise de l'énergie, « attention aux offres trop alléchantes, avec une facture mensuelle trop basse, prévient Caroline Keller, directrice de la communication du Médiateur de l'énergie. C'est notamment de cette manière qu'opèrent les démarcheurs téléphoniques. Ils se servent du montant de la facture actuelle pour ajuster leur offre sans préciser que la différence sera très souvent facturée lors de la régularisation annuelle.