À l'occasion du cinquième anniversaire du Plan épargne retraite (PER), MoneyVox a interrogé Cyrille Chartier-Kastler, fondateur du cabinet Facts & Figures. Le PER est-il un réel succès ? Existe-t-il des axes d'amélioration ? Découvrez ses réponses ici.

Cyrille Chartier-Kastler, Fondateur du cabinet Facts & Figures
Cyrille Chartier-Kastler
Fondateur du cabinet Facts & Figures

Pas moins de 10 millions de Français détiennent aujourd'hui un PER, pour un encours total de 102,8 milliards d'euros. Cinq après sa création, le succès du Plan épargne retraite est-il complet ? Pour répondre à nos questions, nous avons interrogé Cyrille Chartier-Kastler, fondateur du cabinet Facts & Figures.

Quel bilan peut-on faire du Plan épargne retraite (PER) ? Cinq ans après, peut-on dire que ce produit rencontre un réel succès ?

Cyrille Chartier-Kastler : « Un succès, oui et non. Le côté positif du PER individuel, c'est que l'épargnant met de l'argent de côté pour sa retraite. Le côté négatif, c'est qu'il ne met que le montant fiscalement déductible. Le PER est un produit qui bénéficie d'un avantage fiscal. Les Français sont donc allés souscrire ce produit exactement dans ce cadre et je dirais même, dans les limites de l'avantage fiscal. Les épargnants y placent ce qu'ils peuvent déduire fiscalement (soit 10% des revenus pour un salarié ndlr).

« L'encours moyen du PER est extrêmement bas »

L'encours moyen du PER est extrêmement bas : il s'élève à 19 700 euros. Concrètement, cela signifie qu'au moment de la retraite, même si l'épargnant a 30 000, 50 000, 80 000 ou encore 100 000 euros sur son PER individuel, il ne bénéficiera pas de revenus supplémentaires suffisants. Ce qui revient à dire que la quasi-totalité des PER individuels se dénoueront au terme sous forme de capital et non de rente. Il faut être extrêmement riche pour avoir les moyens de mettre de l'argent au-delà du plafond de déduction fiscale, sans avoir besoin de cet argent avant le départ à la retraite.

Pour les travailleurs non salariés, c'est une toute autre histoire : le plafond de déduction étant beaucoup plus élevé (soit 10% du bénéfice imposable + 15% de la part de bénéfice dans la limite de 8 fois le plafond de la Sécurité sociale ndlr), ils peuvent se constituer plus facilement un capital de 200 000, 300 000, ou même 400 000 euros. Les travailleurs non salariés pourront alors bénéficier d'un meilleur supplément retraite, sachant que leur retraite de base est aussi plus faible ».

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Quelles sont les pistes d'amélioration du PER ?

Cyrille Chartier-Kastler : « Le comportement des épargnants ne devrait pas forcément évoluer au cours des prochaines années. Les épargnants ne placeront pas plus qu'aujourd'hui sur leur PER individuel et ce, pour plusieurs raisons. La première, les cas de déblocage exceptionnel. Il est déjà possible de débloquer son PER avant le départ à la retraite en cas de décès du conjoint, de surendettement, liquidation judiciaire ou encore pour acheter sa résidence principale.

Toutefois, cela ne permet pas de pallier à tous les aléas de la vie et toutes les dépenses. À l'image par exemple, des études des enfants qui peuvent s'avérer très chères. Si l'État français voulait faire s'accroître les sommes versées dans les PER individuels, il faudrait assouplir un peu les possibilités de sortie anticipée des capitaux qui y sont versés et notamment autoriser les cas de sortie de rachat partiel.

« Les conditions de déblocage anticipé sont trop limitées. Elles pourraient être élargies aux personnes aidantes »

Les conditions de déblocage anticipé sont encore trop limitées, elles pourraient être par exemple élargies aux personnes aidantes. Si en tant qu'aidant, je suis obligé de passer d'un temps complet à un temps partiel pour m'occuper de mes parents ou d'une personne dépendante, ce serait légitime de pouvoir puiser dans son PER pour arrondir ses fins de mois. Ou encore en cas de reconversion professionnelle. Il existe d'autres événements dans la vie qui font qu'on pourrait piocher dans cette épargne pour financer des situations particulières.

Il y a un autre vrai sujet : la sélection des unités de compte. Les épargnants optent en majorité pour la gestion pilotée à horizon. Et les actifs proposés au sein des mandats de gestion sont souvent très chargés en frais et leur rendement n'est pas toujours au rendez-vous. Par ailleurs, et cela concerne aussi l'assurance vie, les frais ne sont pas assez lisibles pour les épargnants. Il faut mieux expliciter et mieux permettre à l'épargnant de comparer, de comprendre les frais prélevés sur ce contrat ».

À partir du 24 octobre, l'épargne placée sur le PER sera en partie investie dans des Fonds Européens d'Investissement à Long Terme (FEILT ou ELTIF, en anglais, pour « European Long Term Investment Funds ») ou des actifs non cotés ou finançant les PME et ETI. Cette nouvelle obligation aura-t-elle un impact ?

Cyrille Chartier-Kastler : « Cette nouvelle obligation qui définit la part minimale d'OPC qui sera obligatoirement détenue selon les profils prudent, équilibré et dynamique, risque de baisser un peu le rendement des gestions profilée à horizon. Le côté positif, c'est que cette mesure permet de collecter de l'argent qui devrait servir à financer des PME et des ETI.

Le côté négatif, c'est que cela devrait faire baisser la performance pour l'épargnant. En effet, le private equity performe souvent moins bien que les fonds actions. Par ailleurs, le private equity est très chargé en frais. Il faut attendre les nouvelles grilles d'ici fin octobre, mais cette obligation n'est pas nécessairement une bonne nouvelle pour l'épargnant et pour son investissement à long terme ».

La rémunération des fonds euros du PER (2,4% en moyenne en 2023) est plus faible que celles des fonds euros de l'assurance vie (2,6% au titre de l'année 2023). Comment expliquez-vous cela ?

Cyrille Chartier-Kastler : « Les taux servis en 2022 et en 2023 sur les fonds en euros de l'assurance vie ne sont pas, sauf rares exceptions, le fruit de la performance financière des actifs généraux. Les rémunérations servies aux épargnants ont été obtenues grâce à de larges prélèvements sur les Provisions pour participation aux bénéfices (PPB). Et ce, afin de limiter la décollecte sur les fonds euros. Des décollectes qui persistent globalement sur l'assurance-vie et qui limitent la capacité des assureurs à acheter des obligations avec des meilleurs taux de rendement qu'il y a cinq ans.

En ce qui concerne les PER, la question de la décollecte ne se pose pas, mais le sujet du rendement financier bas des actifs existe. Mais les assureurs font beaucoup moins l'effort de booster les taux servis pour la simple et bonne raison que les épargnants ne peuvent pas sortir aussi facilement. C'est une tendance qui risque de persister tant qu'il n'y aura pas d'ajout de cas de déblocage exceptionnel. Quant au rendement financier des actifs généraux des PER, il augmentera mais de manière progressive au cours des prochaines années ».

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