Aucun parti ni aucune alliance de partis n'a obtenu de majorité absolue. Mais le Nouveau Front populaire a réussi à gagner le plus de députés. Sur le volet retraites, le « bloc de gauche » vise l'abrogation de la réforme des retraites à court terme, l'objectif d'un âge légal à 60 ans étant beaucoup plus lointain. Mais le NFP sera-t-il suivi par le reste de l'Assemblée ?

Indéchiffrable. Soyons clair : l'avenir politique au sortir des élections législatives bousculées par la dissolution de l'Assemblée nationale est illisible. Mais à ce jour c'est bien l'alliance de gauche, le Nouveau Front populaire, qui a la main sur le calendrier, à défaut d'avoir véritablement la main sur la prochaine législature. Le Nouveau Front populaire (NFP) veut abroger la réforme des retraites. Si jamais il y parvient, quand la réforme en cours pourrait-elle être détricotée ? Le point, en 3 temps.

1 - Abroger la réforme des retraites, épisode 1 : quelles mesures par décrets ?

« Abroger immédiatement les décrets d'application de la réforme d'Emmanuel Macron passant l'âge de départ à la retraite à 64 ans » : cette mesure figure (avec la hausse du Smic ainsi de la retraite minimale pour une carrière complète à 1 600 euros net par mois) dans le programme de « rupture » des « 15 premiers jours » d'un gouvernement NFP. Évidemment, la promesse de mesures prises dans les 15 premiers jours valait surtout en cas de majorité absolue... Ce n'est pas le résultat des élections.

Si jamais le NFP parvient à installer un gouvernement, les décrets ne suffiront pas à stopper la réforme des retraites. Uniquement à adapter ou freiner temporairement sa mise en œuvre, comme l'a expliqué à l'AFP le constitutionnaliste Philippe Blachèr, professeur de droit public à l'université de Lyon 3 : « Dans une loi, il y a de grands principes » qui ne peuvent pas être contredits par décret, or l'âge légal de départ, fixé dans la loi de 2023 à 64 ans pour la génération née en 1968, « est un de ces principes ». Mais certaines dispositions de la loi « renvoient elles à des mesures réglementaires, c'est-à-dire des décrets, pour mettre en œuvre les grands principes, et là-dessus, il est possible d'agir ». Par décret, on peut donc « partiellement détricoter » la mise en œuvre de la réforme.

Voire même agir directement sur l'âge légal si un Premier ministre NFP saisit « le Conseil constitutionnel pour obtenir une décision de délégalisation » des 64 ans, jugent Bruno Daugeron et Rémi Pellet, professeurs de droit public à l'Université Paris-Cité, les Sages ayant déjà considéré que l'âge légal relève du pouvoir réglementaire et non législatif.

Législatives : comment la gauche peut abroger la réforme des retraites ?

Possible. Déjà, il faudrait réussir à installer un gouvernement NFP, qui placerait effectivement l'abrogation de la réforme des retraites parmi ses priorités à en croire son programme. Si jamais ce scénario politique (loin d'être acquis) se réalise, un gouvernement pourrait rapidement agir par décret pour freiner le recul de l'âge légal.

Quand ? Des décrets cassant l'application en cours de la réforme sont envisageables à court terme, dès l'été 2024, mais tout dépend évidemment de l'identité du futur gouvernement.

2 - Abroger la réforme des retraites, épisode 2 : une loi pour casser une loi ?

« A terme, si vraiment il veut abroger la réforme, il faudra voter une loi », tranche le constitutionnaliste Philippe Blachèr. C'est d'ailleurs ce que compte faire le premier secrétaire du PS Olivier Faure, qui a affirmé sur Franceinfo qu'il « faut un projet de loi, [que le NFP] déposera devant l'Assemblée » : « On verra à ce moment-là qui est prêt à aller jusqu'au bout et ceux qui, au contraire, se défilent ».

Si jamais un retour à l'âge légal à 62 ans était acté, au-dela de la complexité législative, cela impliquerait aussi des complications pratiques, pour l'Assurance retraite. Et cela poserait la question du sort de ceux qui ont dû travailler plus longtemps entre temps...

Plausible. De fait, deux des désormais trois grands blocs (NFP et RN) de la nouvelle Assemblée nationale ont promis de revenir sur la réforme des retraites, sans oublier les députés LR ou de centre droit qui s'étaient opposés au vote en 2023. Si jamais

Quand ? Même si un projet de loi était adopté rapidement en 2024, un retour en arrière sur l'âge de départ serait complexe et progressif. « Concrètement, si jamais [le retour à 62 ans] était décidé, le plus simple et le plus logique ce serait d'acter une date précise à partir de laquelle s'appliqueraient les nouvelles règles », jugeait fin juin Marylin Vilardebo, présidente fondatrice du cabinet de conseil en retraite Origami & Co, interrogée par MoneyVox.

Réforme des retraites : 5 questions très sensibles sur l'abrogation de l'âge légal à 64 ans

3 - La retraite à 60 ans ? Un projet bien plus flou et lointain

Un projet annoncé pour les « mois suivants », donc après les « 100 premiers jours », dans le programme du NFP : « Réaffirmer l'objectif commun du droit à la retraite à 60 ans » mais aussi « rétablir les facteurs de pénibilité supprimés par Emmanuel Macron », « prendre en compte le RSA pour valider des trimestres », « indexer le montant des retraites sur les salaires », « soumettre à cotisation les dividendes, la participation, l'épargne salariale, les rachats d'action, les heures supplémentaires » ou encore « créer une surcotisation sur les hauts salaires ».

Improbable. Du moins dans la configuration politique actuelle, avec une Assemblée nationale si fragmentée.

Quand ? Avant les élections législatives, le NFP envisageait déjà un délai lointain, évoquant (par la voix d'Eric Coquerel lors de la conférence de presse de « chiffrage » du 21 juin) une « grande loi avant 2027 » visant à ramener la retraite à 60 ans, côté Nouveau Front populaire. A condition de convaincre le reste de l'Assemblée...